10 millions d’habitants : un plafond irréaliste
Une stricte limite démographique menacerait notre prospérité et nos relations avec l’UE.
L’initiative dite « pour la durabilité », sous un titre séduisant, propose de plafonner la population suisse à 10 millions d’habitants d’ici 2050. Une telle mesure entraînerait la résiliation de la libre circulation des personnes et, par effet domino, la disparition des accords bilatéraux I. Ce texte met donc en péril notre prospérité et nos relations avec l’Union européenne. Il pose des risques similaires à ceux de l’initiative UDC « de limitation », rejetée en 2020 par 61,7 % des votants.
Cette initiative apporte une réponse simpliste à des défis pourtant réels : pénurie de logements, pression sur les infrastructures, gestion de l’immigration. Mais faut-il vraiment croire qu’un plafonnement démographique résoudra ces problèmes ? Veut-on manquer d’infirmiers, de médecins ou d’artisans essentiels à nos hôpitaux, nos EMS et nos entreprises ? Comment pourrions-nous combler les besoins de secteurs comme l’hôtellerie ou la construction sans travailleurs qualifiés, notamment européens ?
Avec une population vieillissante, la Suisse devra, à l’avenir, s’appuyer sur l’immigration de travailleurs pour maintenir son dynamisme économique, et, par là même, renforcer la stabilité de ses assurances sociales. Nous serions aussi le seul pays au monde à fixer un seuil maximal de population : est-ce là le modèle que nous voulons adopter ?
Depuis 25 ans, les accords bilatéraux assurent à la Suisse un accès privilégié au marché unique européen tout en préservant sa souveraineté. Les résilier affaiblirait gravement notre économie, touchant les entreprises exportatrices – et non exportatrices ! – , mais aussi les PME locales et les emplois dans les régions rurales.
Loin de freiner l’immigration, l’exemple du Brexit et son impact économique négatif, doit nous servir d’avertissement : isolement, perte de compétitivité, baisse du niveau de vie. Voulons-nous vraiment prendre un tel risque, alors que 50 % des exportations suisses dépendent de l’UE ?
Cette initiative arrive alors que la Suisse et l’UE s’efforcent de moderniser leurs relations avec les Bilatérales III. Plusieurs sondages montrent que deux tiers des Suisses soutiennent la voie bilatérale, et près des trois quarts soutiennent le principe des négociations pour la moderniser. Ces chiffres reflètent l’attachement clair de la population à un modèle qui a contribué au succès de la Suisse.
Plutôt que de s’engager dans une proposition risquée, concentrons-nous sur des solutions concrètes. Accélérer la construction de logements, moderniser nos infrastructures, valoriser la main-d’œuvre locale : voilà des réponses pragmatiques et durables. Elles permettraient de relever les défis sans compromettre les bases de notre prospérité.
Fixer une limite de 10 millions d’habitants reviendrait à ignorer les réalités démographiques et économiques de notre pays. L’initiative pour la durabilité, véritable initiative de résiliation II, menace un modèle qui conjugue souveraineté et prospérité. Alors que les Suisses confirment régulièrement leur soutien à la voie bilatérale, il est essentiel de prioriser des solutions pragmatiques et de renforcer nos relations avec notre principal partenaire.