90 jours de sursis, et après?

Entre pression tarifaire et incertitude mondiale, la Suisse doit garder le cap.

Depuis le 9 avril, les surtaxes douanières américaines sont suspendues provisoirement pour la Suisse. Cette pause de 90 jours ouvre une brève fenêtre diplomatique pour obtenir un traitement différencié. Mais la taxe de base de 10% reste en vigueur: la pression demeure.Certes, la Maison Blanche a annoncé que certains produits électroniques – smartphones, ordinateurs, puces – seraient temporairement exclus des surtaxes. Cela concerne également les droits de douane américains de 145% sur les importations chinoises. Une décision saluée par les géants technologiques américains. Ce type d’exclusion ciblée crée un précédent pour d’autres produits sensibles. Mais cela ne change rien au fond: la volatilité actuelle reflète l’imprévisibilité croissante d’un système sous tension. Pour l’économie suisse, qui réalise près d’un franc sur deux à l’étranger, cette instabilité est lourde de conséquences. Elle frappe un pays qui a supprimé tous ses droits de douane sur les produits industriels, sans discrimination d’origine. La Suisse a fait le choix de l’ouverture – et s’y tient. Nos entreprises disposent toutefois d’arguments solides. La Suisse est le 6e investisseur aux Etats-Unis, premier en Recherche et développement (R&D), et plus de 400.000 emplois y dépendent de groupes suisses. Ce poids économique doit jouer en notre faveur.

SUR LE TERRAIN L'INQUIETUDE MONTE

Mais sur le terrain, l’inquiétude monte. Une enquête d’Economiesuisse montre que près de la moitié des entreprises interrogées se disent affectées: moins de commandes, marges réduites, concurrents favorisés. En Suisse romande aussi, les signaux d’alerte se multiplient. Dans des cantons exportateurs comme Genève, Vaud ou Neuchâtel, les milieux industriels redoutent un coup d’arrêt. Le risque d’un recul de la demande est bien réel, surtout si les surtaxes devaient revenir. Dans ce contexte, la Suisse a su faire entendre sa voix. Elle se trouve aujourd’hui dans une meilleure position qu’il y a dix jours. La période actuelle ne règle rien, mais elle offre une chance de défendre nos intérêts, alors qu’une septantaine de pays réclame eux aussi des exemptions.

MISER SUR LA DIVERSIFICATION

Parallèlement, notre pays doit miser sur la diversification. Le récent accord de libre-échange conclu avec la Malaisie ouvre un marché stratégique en Asie du Sud-Est, notamment dans l’électronique et les semi-conducteurs. Il offre de nouvelles perspectives aux exportateurs suisses, notamment dans les technologies de l’avenir. A la suite de la visite d’Ignazio Cassis en Amérique latine en février, l’AELE et le Mercosur ont réaffirmé leur volonté de finaliser un accord rapidement. Et puis, il y a l’évidence: notre ancrage européen. La voie bilatérale avec l’Union européenne reste notre filet de sécurité. Dans un monde polarisé, garantir un accès stable à notre principal marché est essentiel. C’est précisément l’objectif du paquet Bilatérales III. Enfin, la compétitivité ne se joue pas qu’à l’international. Stabilité réglementaire, prévisibilité fiscale et absence de surcharges restent des piliers. Toute contrainte supplémentaire peut faire pencher la balance. Il faut donc garder le cap. Tracer une ligne claire entre diplomatie économique, ouverture stratégique et compétitivité à domicile. Le monde change, parfois brutalement. Mais la Suisse a les atouts pour rester ce qu’elle est: un partenaire fiable, innovant, solide.

Opinion parue dans le journal Agefi le 15 avril 2025