Pénurie de médecins: l’arbre qui cache la forêt
L'essentiel en bref:
- La Suisse est confrontée à un problème structurel de pénurie de main-d’œuvre en raison du vieillissement de la population
- Il manquera environ 460 000 équivalents plein temps dans dix ans sur le marché du travail
- Sans main-d’œuvre étrangère, qui fera tourner nos hôpitaux, nos entreprises et nos services publics?
La Suisse manque de médecins de famille, qui travaillent souvent bien au-delà de l’âge de la retraite – par vocation, mais aussi par manque de relève. Pourtant, il ne s’agit que de l’arbre qui cache la forêt et les besoins sont criants dans d’autres domaines également.
Au-delà des problématiques spécifiques à certaines branches, la Suisse est bel et bien confrontée à un problème structurel de pénurie de main-d’œuvre. Car notre population vieillit. Ces dix prochaines années, le nombre de retraités en Suisse augmentera de 26%, contre seulement 2% pour les actifs. On estime qu’il manquera environ 460 000 personnes à plein temps sur le marché du travail suisse dans dix ans. Ce qui pose une question toute simple: qui va faire tourner nos hôpitaux, nos entreprises et nos services publics?
Des chiffres qui donnent le tournis
Jusqu’ici, la Suisse a pu globalement pallier le manque de main-d’œuvre grâce aux travailleurs européens. Actuellement, environ un tiers du personnel dans nos hôpitaux est d’origine étrangère. Au CHUV, cette part s’élève même à 43%, tandis que du côté de Genève, les HUG font état de 51% d’étrangers parmi leur personnel. Mais la santé n’est pas le seul secteur concerné. On pense bien sûr à l’hôtellerie-restauration, dont près de 40% du personnel vient d’Europe. Ou encore à la construction, qui peine déjà à recruter, alors que les besoins vont encore augmenter. Car au-delà de la construction de logements et d’infrastructures, ce secteur est appelé à jouer un rôle majeur dans la transition énergétique de la Suisse. On peut en effet élaborer tous les plans climat que l’on veut, mais sans main-d’œuvre pour les réaliser, ils sont voués à rester des vœux pieux, même en mettant des milliards sur la table.
Il ne s’agit là que de quelques exemples et les besoins vont bien au-delà des seuls secteurs de la santé ou de la construction. Une chose est sûre: la libre circulation des personnes avec l’UE restera un atout majeur pour faire face aux défis qui nous attendent en raison du vieillissement de notre population. Rappelons au passage que la libre circulation n’est pas la porte ouverte à tout va: seuls les ressortissants de l’UE/AELE avec un contrat de travail, une activité indépendante viable ou des moyens financiers suffisants peuvent s’établir en Suisse. Rendons donc aux Européens ce qui est aux Européens: des voisins dont nous sommes culturellement proches, mais aussi une précieuse main-d’œuvre bien formée et bien intégrée qui contribue à faire tourner le pays!
Ce texte est paru le 24 juin 2025 dans le journal La Région.