Et au bout de huit ans… Mercosur, bien sûr

L’essentiel en bref :

  • À contre-courant du protectionnisme ambiant, Berne élargit son réseau d’accès aux marchés et envoie un signal fort
  • Au-delà de l’accès au marché, l’accord renforce la protection de la propriété intellectuelle, brevets et indications géographiques en tête
  • Cet accord n’est pas qu’un succès diplomatique: il incarne une Suisse qui défend ses intérêts économiques sans renier ses valeurs

Après la Thaïlande, la Malaisie, le Kosovo et l’Inde, c’est désormais avec le Mercosur – Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay – que la Confédération et ses partenaires de l’AELE concluent un nouvel accord. Fruit de huit années de négociations, parfois suspendues, il marque une avancée majeure pour notre politique commerciale. À contre-courant du protectionnisme ambiant, Berne élargit son réseau d’accès aux marchés et envoie un signal fort: celui d’un pays ouvert, fiable, tourné vers l’avenir.

Un message d’autant plus crucial que le climat commercial se tend. Ce lundi, Donald Trump a confirmé l’entrée en vigueur, dès le 1er août, de taxes de 25% sur les produits japonais et sud-coréens. La Suisse pourrait, elle aussi, être frappée jusqu’à 31% si aucun accord n’est trouvé les prochains jours. Le Conseil fédéral ignore encore si notre pays figure sur la liste attendue.

Dans ce contexte incertain, sécuriser et diversifier nos débouchés devient vital. C’est ce que permet l’accord AELE-Mercosur. Avec plus de 270 millions de consommateurs et une hausse de 32% de nos exportations vers cette région depuis 2014, le potentiel est considérable. Aujourd’hui, nos exportations y atteignent 4 milliards de francs (hors métaux précieux), concentrées sur le Brésil et l’Argentine. Les secteurs clés – machines, montres, instruments de précision, pharma – profiteront de 95% de franchise douanière, parfois après une phase transitoire.

Le gain estimé pour l’économie? Jusqu’à 180 millions de francs par an – un record pour un accord hors UE et Chine.

L’agriculture aussi est gagnante: meilleures conditions pour nos fromages, le chocolat, les boissons, les biscuits ou le café torréfié. Cent dix de nos appellations d’origine seront protégées dans toute la région.

Et les concessions helvétiques sur la viande ou le vin me direz-vous? Elles représentent moins de 2% de notre consommation ou reflètent les volumes actuels. Une clause de sauvegarde agricole est en outre prévue en cas de perturbation.

Au-delà de l’accès au marché, l’accord renforce la protection de la propriété intellectuelle, brevets et indications géographiques en tête. Le Conseil fédéral devra veiller au respect des standards de l’OMC (accords ADPIC), avec une clause de révision à sa disposition.

Enfin, la durabilité est intégrée. L’accord interdit d’affaiblir les normes sociales et environnementales, prévoit des mesures contre la déforestation, reconnaît les droits des peuples autochtones et encourage des pratiques agricoles durables.

Cet accord n’est pas qu’un succès diplomatique. Il incarne une Suisse qui défend ses intérêts économiques sans renier ses valeurs. Face à l’instabilité actuelle, élargir nos partenariats devient essentiel pour préserver prospérité et autonomie – d’autant qu’une part non négligeable d’entreprises helvètes prennent leurs distances avec les États-Unis et explorent d’autres marchés, comme le montre la dernière enquête Swiss Managers Survey.

Il reviendra au Parlement – et peut-être au peuple – de confirmer ce choix de responsabilité et de clairvoyance.

Cet article a paru dans l’Agefi le 9 juillet 2025.