Réindustrialiser ne se fait pas en trois coups de cuiller à pot

L’essentiel en bref:

  • Les droits de douane américains sont censés permettre de réindustrialiser le pays
  • Pour relocaliser une production, il faut beaucoup d’argent. Or l’incertitude actuelle est un poison pour les investissements
  • Les États-Unis manquent de main d’œuvre qualifiée, alors que le chômage est relativement bas

Ils sont sur toutes les lèvres: les droits de douane américains. Après le choc des 31% initialement prévus, ramenés ensuite à 10%, puis l’annonce que la Suisse fait dorénavant partie du «club» des 15 pays prioritaires avec lesquels les États-Unis veulent trouver une solution, les signaux sont plutôt à l’apaisement. Pour autant, rien n’est fait et la prudence reste de mise, tant les revirements américains sont aussi volatils que les cours de la bourse actuellement. Mais au moins peut-on se réjouir d’une esquisse de realpolitik côté américain. Car on le sait, la Suisse a d’excellents arguments à faire valoir – et la diplomatie helvétique semble avoir très bien fait passer le message lors de son récent voyage à Washington.

Si personne ne sait sur quoi déboucheront les tractations à venir, une réalité demeure: réindustrialiser un pays ne se fait pas en trois coups de cuiller à pot. L’administration Biden avait déjà tenté de rapatrier des emplois aux États-Unis en accordant des milliards de subventions. Mais les milliards ne suffisent pas toujours. Pour implanter ou relocaliser une production, il faut d’abord trouver un site approprié, planifier une usine, la construire et l’équiper avant de pouvoir la mettre en route. Il faut aussi bien entendu trouver les personnes pour la faire fonctionner. Or les États-Unis manquent de main d’œuvre qualifiée. À quoi s’ajoute le fait que l’incertitude actuelle a de quoi faire hésiter les investisseurs. Qu’en sera-t-il des conditions-cadres économiques aux États-Unis ces prochaines années? Y aura-t-il un revirement politique, et le pays restera-t-il le moteur de la croissance mondiale?

Autre paramètre important: les chaînes d’approvisionnement sont globalisées. Ce qui signifie que même une usine installée sur sol américain aura probablement recours à des composants fabriqués dans d’autres pays – dont le coût augmentera en raison des tarifs douaniers.

Réindustrialiser un pays ne se décrète pas, même à coups de subventions ou avec un gros feutre et une signature XXL. Autant donc veiller à préserver des conditions-cadre attractives en amont pour que les entreprises puissent continuer d’entreprendre, et ainsi éviter de les voir partir. Cela vaut aussi pour la Suisse, où le politique serait bien inspiré de ne pas leur imposer sans arrêt de nouvelles contraintes, qu’elles soient bureaucratiques ou financières.

Cet article est paru le 29 avril 2025 dans le journal La Région.