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Fact checking: paquet des accords bilatéraux III

Les Bilatérales III doivent permettre de doter les étroites relations économiques entre la Suisse et l’Union européenne (UE) de bases sûres et durables et de conclure de nouveaux accords. Elles font actuellement l’objet de vifs débats. Le présent fact checking revient sur leur genèse, rappelle les faits et répond à des questions actuelles.

Veuillez trouver ci-après des informations sur la genèse du projet, quelques faits sur les accords bilatéraux III et la réponse à des questions actuelles. Vous trouverez en outre une évaluation du troisième paquet d’accords bilatéraux et de ses différents éléments dans notre dossierpolitique «Bilatérales III: poursuivre sur la voie suisse» de février 2025. 

 

Paquet des accords bilatéraux III: genèse et faits

Question: Que pensent les votants des accords bilatéraux III?

Réponse: D'après une enquête représentative réalisée par gfs.bern pour le compte d’Interpharma en août 2024, 65% des personnes interrogées voient principalement des avantages dans les accords bilatéraux. Les Bilatérales III entre la Suisse et l’UE sont soutenues par une nette majorité de la population (71%).

D’une manière générale, la voie bilatérale – que les Bilatérales III entendent garantir et développer – bénéficie d’une forte légitimité démocratique. Depuis l’an 2000, la population suisse a confirmé cette voie couronnée de succès lors de onze votations populaires au total.

Question: La Suisse ne devrait-elle pas se focaliser davantage sur les marchés hors d’Europe?

Réponse: L’idée est la suivante: faire une chose et ne pas délaisser l’autre. La Suisse a besoin, cela va de soi, des meilleures relations possibles et d’accords de libre-échange avec des pays asiatiques, les États-Unis ou les pays du Mercosur, par exemple. Toute personne qui affirme que la Suisse pourrait compenser la disparition des accords bilatéraux avec l’UE en améliorant ses relations commerciales avec ces États se trompe lourdement. En raison de notre situation géographique, nous sommes entourés d’États membres de l’UE et avons donc tout intérêt à collaborer étroitement avec l’UE dans des domaines qui nous intéressent.

En particulier les régions voisines de la Suisse occupent une place importante pour le commerce extérieur. Si on considère le volume des échanges, le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont à peu près aussi importants que la Chine; la Haute-Savoie et l’Ain sont plus importants que le Japon, et les régions limitrophes italiennes sont plus importantes que l’Inde. Chaque jour ouvrable, la Suisse et l’UE échangent des marchandises pour une valeur de plus d’un milliard de francs suisses – c’est autant qu’avec l’Indonésie pendant toute une année.

Nachbar

Indonesien

Si d’autres espaces économiques ont connu une croissance plus forte que l’UE ces vingt dernières années et que les exportations suisses vers ces marchés ont également augmenté plus fortement (en %) que celles vers l’UE, cela ne s’avère pas pour la période allant de 2020 à aujourd’hui. C’est une bonne chose, car, ainsi, l’économie extérieure suisse se diversifie et exploite de nouveaux potentiels. Le volume des échanges commerciaux avec l’UE est toutefois si important (en 2023, 59% de toutes les exportations et importations de marchandises) que, en chiffres absolus, les échanges avec l’UE progressent davantage que ceux avec les États-Unis et la Chine réunis, qui sont les deuxième et troisième principaux marchés d’exportation. Au vu des chiffres de la croissance actuels, l’UE sera toujours le principal partenaire commercial de la Suisse en 2040, dépassant le volume des échanges avec les États-Unis et la Chine. Dans ces conditions, il est illusoire de vouloir remplacer l’UE, principal marché d’exportation pour l’industrie suisse, par d’autres marchés d’exportation. Il vaut mieux se diversifier.

 

 

 

Question: Une fois que les accords bilatéraux III seront conclus, la Suisse devra-t-elle reprendre toutes les réglementations et lois décidées par l’UE?

Réponse: Non. La Suisse et l’UE ont conclu 140 accords bilatéraux au total. La reprise dynamique obligatoire du droit dans le cadre des accords bilatéraux III se limite aux six accords bilatéraux avec lesquels la Suisse participe au marché intérieur européen. Cela comprend quatre accords existants d’accès et de participation au marché intérieur (libre circulation des personnes, transports aérien et terrestres, obstacles techniques au commerce) ainsi que les deux nouveaux accords d’accès et de participation au marché intérieur sur l’électricité et la sécurité alimentaire. L’un dans l’autre, cela ne concerne donc que 4,3% de nos accords avec l’UE. L’accord de libre-échange Suisse-UE de 1972 ne fait pas partie des accords bilatéraux III et n’est donc pas soumis aux règles institutionnelles. Pour plus d’informations sur la reprise dynamique du droit, vous pouvez lire cette opinion.

Paket

Question: La Suisse sera-t-elle régie à l’avenir par des «juges étrangers»?

Réponse: Les accords bilatéraux ne prévoient pas de «juges étrangers» ni aujourd’hui ni demain. On distingue trois cas de figure:

  1. Si un litige survient en Suisse, un tribunal suisse est compétent.
  2. Si un litige survient dans un pays de l’UE, l’Allemagne par exemple, c’est un tribunal allemand qui sera compétent et, éventuellement, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
  3. En présence de divergences entre la Commission européenne et le Conseil fédéral quant à l’interprétation de règles relatives aux transports terrestres ou à la libre circulation des personnes par exemple, c’est un tribunal arbitral paritaire qui sera compétent.

Le tribunal arbitral paritaire (composé, par exemple, d’un juge nommé par la Suisse, d’un juge nommé par l’UE et d’une présidence indépendante) décidera à l’avenir quel droit s’appliquera en cas de conflit – le droit suisse, le droit des contrats ou le droit du marché intérieur de l’UE.

Si la Suisse a repris le droit du marché intérieur de l’UE par le biais d’un accord (des normes techniques dans le domaine des technologies médicales par exemple), seule la CJUE tranchera la question de l’interprétation de ce droit. Si la Suisse et l’UE ont fixé des règles spécifiques, comme les règles spéciales et les exceptions concernant les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, ce sont ces règles contractuelles qui s’appliquent.

À la fin de la procédure, le tribunal arbitral paritaire jugera qui, de la Suisse ou de l’UE, a porté atteinte au droit. Cela correspond à des principes usuels du droit international: la Suisse a prévu de telles procédures arbitrales paritaires dans de nombreux accords.

Le mécanisme de règlement des différends prévu dans les Bilatérales III améliore la position de la Suisse en cas de litige. Notre pays dispose ainsi d’un instrument lui permettant de faire valoir efficacement ses intérêts par voie judiciaire dans ses relations avec l’UE. À l’heure actuelle, la Suisse ne peut pas aller devant un tribunal paritaire pour se défendre contre des mesures arbitraires de l’UE.

Si un tribunal arbitral paritaire constate la violation d’un accord, des mesures de compensation proportionnées peuvent être décidées uniquement pour l’accord concerné ou un autre accord d’accès et de participation au marché. Cela réduit nettement les possibilités de l’UE. Une suspension d’accords entiers par l’UE ne pourrait guère être jugée proportionnelle dans le cas où la Suisse refuserait de reprendre certains développements du droit de l’UE. Le tribunal arbitral paritaire décide de manière autonome et définitive si les mesures de compensation sont proportionnées.

Streitungsmechanismus

 

Question: Avec la reprise «automatique» du droit, la Suisse perd-elle son autodétermination et la démocratie directe?

Réponse: Non. La Suisse reste souveraine et indépendante.

  1. La Suisse participe au marché intérieur parce qu’elle le souhaite. Le peuple suisse a décidé de manière indépendante de conclure, avec l’UE, des accords bilatéraux d’accès et de participation au marché intérieur. Personne ne nous l’a imposé.
  2. La démocratie directe reste intacte. Les droits populaires de la démocratie directe, tels que les droits d’initiative et de référendum, sont bien entendu maintenus. Il n’y a pas d’automatisme dans la reprise du droit. La Suisse pourra décider de manière autonome de toute reprise du droit européen dans le cadre des six accords d’accès et de participation au marché. Elle disposera systématiquement de deux ans pour la reprise dynamique du droit. En cas de référendum, la Suisse bénéficiera d’une prolongation du délai d’un an. C’est mieux qu’aujourd’hui.
  3. La Suisse a pu négocier de nombreuses exceptions importantes, qui sont exclues de la reprise dynamique du droit.
  4. L’obligation relative à la reprise dynamique de dispositions figure déjà dans l’accord sur le transport aérien (accords bilatéraux I) et dans celui de Schengen/Dublin (accords bilatéraux II) et n’a pas posé de problèmes depuis leur entrée en vigueur en 2002 et 2008. En mai 2019, les citoyens suisses ont ainsi pu se prononcer en votation populaire sur la mise en œuvre dans le droit suisse de la directive de l’UE sur les armes.

Question: Les accords bilatéraux III, n’est-ce pas simplement du vieux vin dans de nouvelles outres?

Réponse: Non. Il y a des différences et des améliorations considérables par rapport au projet d’accord-cadre de l’époque. Avec l’approche par paquet des accords bilatéraux III, les questions institutionnelles (reprise dynamique du droit, règlement des différends) sont désormais fixées individuellement dans chaque accord d’accès et de participation au marché intérieur de l’UE (approche verticale, sectorielle). C’est une différence de taille par rapport à l’accord institutionnel, où on discutait d’un accord-cadre pour tous les accords d’accès et de participation au marché intérieur (approche horizontale).

Les Bilatérales III représentent une nette amélioration par rapport à l’accord-cadre, dont il n’est plus question. Nous avons un paquet contenant de nouveaux accords et de nouvelles coopérations. Et très important: toutes les questions délicates ont été clarifiées et de nombreuses exceptions ont été obtenues pour la Suisse, ce qui protège nos intérêts.

Concrètement, des améliorations ont été obtenues entre autres sur les points suivants:

  • la super clause de guillotine a disparu;
  • les mesures d’accompagnement ont pu être garanties; en ce qui concerne la protection des salaires, une clause de non-régression est prévue;
  • les aides d’État ne concernent que l’accord sur l’électricité et ceux sur les transports aérien et terrestres;
  • en ce qui concerne la directive européenne sur la citoyenneté, des exceptions au droit de séjour permanent sont prévues afin d’empêcher le tourisme à l’aide sociale suisse. Le dispositif de protection négocié garantit que l’immigration en provenance de l’UE reste orientée vers le marché du travail.
  • la clause de sauvegarde unilatérale en matière de libre circulation des personnes a pu être concrétisée. La Suisse peut l’activer unilatéralement et déterminer elle-même son déclenchement ainsi que d’éventuelles mesures de protection dans la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI).
  • À cela s’ajoutent d’innombrables exceptions et garanties, comme dans les accords sur l’agriculture, les transports terrestres et l’électricité. Toutes les exceptions sont exclues de la reprise dynamique du droit.

Ce sont autant d’améliorations fondamentales que les diplomates suisses ont réussi à arracher à l’UE.

Question: La protection des salaires en Suisse est-elle assurée avec les accords bilatéraux III?

Réponse: Oui, la protection des salaires est garantie. Selon le Conseil fédéral, les principales questions relatives à la protection des salaires des travailleurs détachés ont pu être réglées de manière satisfaisante. Avec l’actualisation de l’accord sur la libre circulation des personnes, l’UE reconnaît pour la première fois officiellement la nécessité d’une protection des salaires en Suisse et des mesures d’accompagnement (FlaM). L’UE accepte ainsi le système de contrôle dual existant, y compris les compétences de surveillance et de sanction des commissions paritaires (syndicats et employeurs) et des cantons. De plus, l’UE a concédé à la Suisse, entre autres, les exceptions suivantes au droit relatif aux travailleurs détachés:

  • une clause de non-régression (si l’UE devait réduire la protection des salaires dans le droit des travailleurs détachés, la Suisse ne devrait pas reprendre ces règles de manière dynamique),
  • un délai de notification (pour les entreprises étrangères qui souhaitent fournir des services en Suisse) de quatre jours ouvrables sur la base d’une analyse des risques objective et spécifique à la branche,
  • l’obligation pour les entreprises qui n’ont pas respecté leurs obligations financières dans le passé de déposer une caution, et
  • une obligation documentaire pour les prestataires de services indépendants, pour lutter contre le faux travail indépendant

Les points ci-après sont également importants:

  • La Suisse continuera de déterminer de manière autonome la densité des contrôles.
  • En cas de non-paiement de la caution, une sanction pouvant aller jusqu’à l’interdiction de fournir des services peut être prononcée.
  • L’obligation d’annonce actuelle est étendue aux travailleurs indépendants.
  • Lors des négociations, la Suisse a assuré son rôle d’observateur auprès de l’Autorité européenne du travail (ELA).

Question: Les travailleurs détachés entraînent-ils un dumping salarial en Suisse et mettent-ils ainsi en péril la protection des salaires?

Réponse: Non. L’impact macroéconomique des mesures d’accompagnement doit être évalué correctement. Selon les calculs d'Avenir Suisse réalisés en 2022, les travailleurs détachés en Suisse fournissent un volume de travail qui représente tout juste 0,2% de l’emploi total. C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à ce que la reprise du droit européen relatif aux travailleurs détachés et les mesures d’accompagnement aient, à l’avenir, des effets systématiquement négatifs sur le niveau des salaires en Suisse.

Question: La reprise de la directive européenne sur la citoyenneté risque-t-elle d’entraîner une immigration ciblant les assurances sociales suisses?

Réponse: Non. La Suisse n’est pas menacée par le tourisme à l’aide sociale.

Dans le cadre des négociations, le Conseil fédéral est parvenu à minimiser les risques pour le système d’aide sociale suisse. La directive sur la citoyenneté est simplement étendue à la Suisse avec des ajustements sur mesure et associée à un dispositif de protection efficace, qui comprend des exceptions et des garanties. La libre circulation continuera de s’appliquer au marché du travail et aux personnes ayant des ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins.

De plus, l’UE accorde à la Suisse plusieurs exceptions qui la protègent d’une future modification du droit européen:

  1. Le droit de séjour permanent prévu par la directive européenne sur la citoyenneté, qui est accordé aux ressortissants de l’UE après un séjour de cinq ans, ne doit être ouvert qu’aux personnes exerçant une activité lucrative en Suisse.
  2. Les critères d’intégration supplémentaires qui s’appliquent pour une autorisation d’établissement restent valables (la connaissance d’une langue nationale, le respect de l’ordre et de la sécurité publics, l’absence de dépendance à l’aide sociale, etc.)
  3. La Suisse peut mettre fin au séjour des personnes sans emploi si elles ne s’efforcent pas de s’intégrer dans la vie active et ne coopèrent pas avec le service public de l’emploi (ORP) pour trouver du travail.

Question: Est-ce que, avec la reprise de la directive sur la citoyenneté, le nombre de personnes qui obtiendront à l’avenir un droit de séjour permanent en Suisse augmentera beaucoup?

Réponse: Non. Les ressortissants des États membres de l’UE/AELE reçoivent déjà une autorisation d’établissement après un séjour de cinq ans en Suisse, conformément à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) et aux accords bilatéraux. Avec la reprise de parties de la directive sur la citoyenneté européenne, ce droit sera étendu à tous les autres États membres de l’UE. Les conséquences de cet élargissement devraient être néanmoins contenues, car les ressortissants des pays voisins (Allemagne, France, Italie et Autriche), qui forment les plus gros contingents d’immigrés, sont déjà autorisés à s’établir en Suisse.

Question: Les ressortissants criminels de l’UE ne pourront-ils plus être expulsés à l’avenir?

Réponse:  Non. Les criminels ressortissants d’un État membre de l’UE pourront être expulsés. La Suisse bénéficie d’une exception selon laquelle la protection renforcée des délinquants ressortissants de pays de l’UE contre l’expulsion, imposée par la directive sur la citoyenneté européenne, ne s’applique pas. Nous pouvons donc maintenir notre pratique actuelle en matière de renvoi. En 2023, près de 70% de toutes les personnes expulsées n’étaient originaires ni de pays de l’UE ni de pays l’AELE.

Question: L’accord sur l’électricité, qui fait partie des accords bilatéraux III, fait-il planer sur la Suisse la menace d’une libéralisation totale du marché de l’électricité? Le service public dans le domaine de l’électricité est-il menacé?

Réponse: Non. Le service public n’est pas menacé. En tant que consommateurs, nous sommes aujourd’hui prisonniers d’un fournisseur d’électricité car, contrairement aux contrats de téléphonie mobile ou d’assurance, nous ne pouvons par le choisir librement. L’accord sur l’électricité conclu prévoit l’introduction d’un modèle du choix en Suisse. Les entreprises et les consommateurs n’atteignant pas un certain seuil de consommation pourront ainsi rester dans le système dit de l’approvisionnement de base (ils achètent l’électricité auprès de l’exploitant de réseau local à des prix prédéfinis) ou acheter de l’électricité sur le marché libre. Nous pourrions donc choisir de changer de fournisseur d’électricité, par exemple pour un fournisseur moins cher, ou de rester chez le fournisseur régional assurant la desserte de base. En outre, il sera également possible (moyennant le respect des délais impartis et, le cas échéant, de frais en cas de changement anticipé) de revenir à la desserte de base avec des prix réglementés..

Un accord sur l’électricité avec l’UE est un élément important pour améliorer la stabilité du réseau, renforcer la sécurité d’approvisionnement et créer de nouvelles opportunités commerciales pour les entreprises électriques suisses, dans le domaine de l’hydraulique par exemple. De plus, le potentiel d’économies est énorme: selon une  étude de l'EPFZ réalisée à la demande d’economiesuisse, un accord sur l’électricité permettrait à la Suisse d’économiser quelque 50 milliards de francs d’ici à 2050 – ou 2 miliards de francs par an. En intégrant des systèmes de l’UE, nous évitons en effet la mise en place d’un deuxième système. Pour plus d’informations, vous pouvez lire cette opinion.

Stromabkommen

 

Question: L’accord sur les transports terrestres menace-t-il le service public en Suisse?

Réponse: Non. Aucune libéralisation des transports nationaux n’est prévue. Dans le cadre de l’accord sur les transports terrestres, l’UE demande une seule chose – déjà prévue dans l’accord actuel –, à savoir que la Suisse ouvre le trafic ferroviaire international de voyageurs à la concurrence européenne. Les résidents suisses qui voyagent en train peuvent ainsi s’attendre à un développement de l’offre de liaisons ferroviaires internationales. Des prestataires étrangers doivent toutefois absolument tenir compte de l’horaire cadencé suisse, respecter l’intégration tarifaire, avec l’abonnement demi-tarif et l’abonnement général, ainsi que les conditions de travail suisses sur les lignes sises à l’intérieur de nos frontières. Le service public n’est pas concerné en Suisse: des conséquences sur les infrastructures ferroviaires sont exclues et ne font d’ailleurs pas partie de l’accord. Le résultat des négociations de la Suisse sur l’accord sur les transports terrestres est si convaincant que même le Syndicat suisse du personnel des transports (SEV), d'abord critique, peut envisager de soutenir son actualisation. Pour plus d’informations, vous pouvez lire cette opinion.

Question: La Suisse ne peut-elle pas renoncer à l’accord sur l’élimination des obstacles techniques au commerce (ARM)?

Réponse: Non. L’ARM assure la reconnaissance mutuelle des examens de conformité pour vingt secteurs de produits industriels. En 2023, cela concernait environ deux tiers du commerce de produits industriels entre la Suisse et l’Union européenne, représentant un volume d’exportation de plus de 96 milliards de francs, soit quelque 72% de toutes les exportations industrielles vers l’UE. En l’absence de mise à jour de l’ARM, l’accès sans entraves au marché intérieur européen pour les entreprises exportatrices suisses s’érodera progressivement après 2027. Après la technologie médicale, cela s’étendra aux industries des machines, de la construction et pharmaceutique. En raison de la grande importance de ces branches pour la place industrielle suisse, l’économie devra sans doute supporter des coûts d’adaptation de plus d’un milliard de francs (cf. aussi le monitoring de l'érosion d'Avenir Suisse). Cet argent manquera à la place économique suisse et pour investir dans des produits innovants.

Les entreprises suisses ont certes une grande capacité d’adaptation et sont inventives. Mais, en raison du blocage actuel, elles sont contraintes de prendre des décisions qui sont négatives pour la place économique suisse. L'entreprise de technologie médicale Ypsomed, par exemple, a dû faire recertifier 400 produits en Allemagne, ce qui a coûté plus de 20 millions de francs et mobilisé près de 40 collaborateurs pendant deux ans. Pour les PME, les difficultés sont encore plus grandes: lorsqu’une petite entreprise suisse de technologie médicale (Bürki Innomed, par exemple) doit désigner un représentant légal dans l’UE, elle voudra très souvent optimiser le coût global en déplaçant également d’autres activités, comme le développement de produits, en Allemagne, par exemple. C’est au détriment de la Suisse, car l’innovation n’a plus lieu sur son territoire. Au total, cela affaiblit non seulement le potentiel de croissance de la place économique suisse, mais aussi notre prospérité.

Question: L’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE de 1972 n’est-il pas suffisant pour l’économie? Les accords bilatéraux sont-ils vraiment nécessaires?

Réponse: Les opposants à la voie bilatérale affirment régulièrement qu’une mise à jour complète de l’accord de libre-échange avec l’UE de 1972 pourrait compenser la disparition des accords bilatéraux. Ce faisant, ils négligent les éléments suivants: la voie bilatérale répond aux besoins de la Suisse et a été taillée sur mesure pour elle, après son refus d’adhérer à l’EEE en 1992. On a alors convenu des accords bilatéraux, car un accord de libre-échange seul n’aurait de loin pas tenu compte des besoins de l’économie et de la population suisses.

Si les accords bilatéraux I venaient à disparaître, de nombreux avantages seraient perdus. De nouveaux obstacles techniques au commerce des produits industriels apparaîtraient, les droits de trafic aérien ne seraient plus couverts, et les fruits et légumes suisses nécessiteraient une certification supplémentaire pour être exportés vers l’UE. Les transporteurs suisses ne pourraient plus bénéficier de commandes supplémentaires en provenance de l’UE, et les entreprises suisses ne seraient plus en mesure de participer de manière équitable aux appels d'offres publics dans les villes et régions de l’UE. Recruter des travailleurs en provenance de l'UE deviendrait également beaucoup plus bureaucratique. En outre, la population suisse perdrait le droit de vivre, de travailler et d’étudier partout dans l’UE. Ce ne sont là que quelques conséquences possibles.

La voie bilatérale n’est en aucun cas comparable à un accord de libre-échange, aussi exhaustif soit-il. L’UE a par ailleurs exclu de conclure avec des États tiers étroitement liés économiquement et géographiquement, comme la Suisse, des accords de libre-échange similaires à ceux qu’elle conclurait avec le Canada.

Avec l’accord de coopération UK-UE (TCA), nous avons toutefois un modèle de ce à quoi pourrait ressembler un accord de libre-échange exhaustif entre la Suise et l’UE. L’exemple du Royaume-Uni montre que la modernisation de l’accord de libre-échange avec l’UE ne se fera pas sans contrepartie. On peut supposer que la Suisse devrait ouvrir son secteur agricole et probablement reprendre des règles de l’UE relatives aux aides d’État ainsi que des éléments institutionnels. Il est illusoire de penser qu’on serait mieux loti en concluant un accord de libre-échange exhaustif avec l’UE qu’avec la voie bilatérale.

Question: Les Britanniques ne vont-ils pas mieux qu’avant le Brexit? La Suisse ne devrait-elle pas s’inspirer du Royaume-Uni pour les modalités de ses relations avec l’UE?

Réponse: En aucun cas. Le Brexit a entraîné une migration record et n’a apporté aucun avantage économique.

Lors du référendum sur le Brexit, qui s’est tenu en juin 2016, les électeurs britanniques ont décidé de quitter l’UE, par 51,89% de voix favorables. En conséquence, le Royaume-Uni voyait disparaître la libre circulation des personnes et sa participation au marché intérieur européen en décembre 2020. Huit ans après le vote, de nombreux Britanniques voient la sortie de l’UE comme un fiasco. Une enquête représentative de début 2024 montre que 57% des Britanniques sont critiques à l’égard du Brexit et que 70% d’entre eux pensent qu’il a détérioré la situation économique.

Alors qu’on promettait un recul de l’immigration, le Royaume-Uni a connu une immigration record depuis le Brexit. L'immigration nette est bien supérieure à son niveau avant le référendum, avec notamment l’arrivée de migrants en provenance de pays extraeuropéens, comme l’Inde, le Nigeria et la Chine. Sur le plan économique, le Royaume-Uni n’a pas non plus profité du Brexit. Malgré de nouveaux accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la disparition de la participation au marché intérieur européen n’a pas pu être compensée, loin de là.

Selon un nouveau rapport de l’Université d’Aston, le commerce extérieur britannique avec l’UE pâtit de plus en plus du Brexit: entre 2021 et 2023 – les premières années après que le Royaume-Uni soit sorti de l’union douanière avec l’UE et du marché unique – la valeur des exportations de marchandises britanniques vers l’UE a baissé de 27%, celle des importations de 32%. Une étude du Centre of Economic Performance de la London School of Economics (LSE) montre que sur les 120 000 PME britanniques qui exportaient leurs produits vers l’UE avant le Brexit, quelque 20 000 ont cessé depuis la conclusion de l’accord de coopération avec l’UE. Elles évoquent une augmentation des charges faisant qu’exporter ne serait tout simplement plus rentable. Ces mauvaises expériences économiques en lien avec le Brexit sont également la raison pour laquelle le Royaume-Uni souhaite à nouveau coopérer plus étroitement avec l’UE et améliorer l’accord conclu.

Ces mauvaises expériences économiques en lien avec le Brexit sont également la raison pour laquelle le Royaume-Uni souhaite à nouveau coopérer plus étroitement avec l’UE et améliorer son accord commercial avec l’UE. Grossbritannien hat nach dem Brexit eine rekordhohe Zuwanderung erlebt

Question: La croissance de la Suisse n’est-elle plus que quantitative? La prospérité par tête a-elle diminué en raison de l’immigration?

Réponse: Entre la signature des Bilatérales I en 1999 et 2022, le PIB réel par habitant (corrigé de l’inflation) a progressé de 25% en Suisse. En chiffres absolus, la population s’est enrichie en moyenne de 18 123 USD par habitant. En comparaison de l’Allemagne, cette croissance est près de deux fois plus forte en Suisse et par rapport à la France, elle est près de trois fois plus forte.

La prétendue mauvaise évolution de la productivité en Suisse est aussi une fable. Les chiffres sont bons – et encore meilleurs si l’on tient compte du temps libre croissant et du travail salarié en baisse à cause de l’évolution démographique. La productivité, la prospérité et les loisirs par tête n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Cette tendance positive a été favorisée notamment par les accords bilatéraux et la libre circulation des personnes. Vous trouverez de plus amples informations, dans notre article «La productivité évolue défavorablement? C'est un mythe!» ainsi que dans notre dossierpolitique sur la croissance économique de mars 2023 (comparaison de plusieurs pays et explication de la pertinence de l’effet de base incluses).

 

 

Question: L’UE peut-elle décider unilatéralement que de nouvelles législations telles que la réglementation sur les devoirs de vigilance ou la directive sur l’IA sont pertinentes pour le marché intérieur et ainsi les imposer à la Suisse?

Réponse: Non. Comme la Suisse participe au marché intérieur européen dans certains domaines seulement, le fait qu’une nouvelle réglementation de l’UE est pertinente pour le marché intérieur en général importe peu eu égard à la reprise dynamique du droit. Le critère déterminant est plutôt de savoir si elle entre dans le champ d’application d’un accord bilatéral concret. Contrairement à ce qu’affirment les opposants aux Bilatérales III à propos de nombreuses réglementations européennes, telles que la directive sur les obligations de diligence (CSDDD), celle sur le reporting en matière de durabilité (CSRD), le règlement relatif à la déforestation (EUDR), le mécanisme de compensation des émissions de carbone (CBAM), le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) ou la loi sur les services numériques (DSA), ne doivent pas être repris. Il n’y a pas d’accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE dans ces domaines. Il n’y a donc aucune raison ni obligation de s’aligner sur l’UE dans le domaine fiscal par exemple ou de reprendre à l’identique la réglementation sur la durabilité de l’UE. Une politique économique autonome reste donc possible, ce qui est important et positif. Pour plus d’informations sur la reprise dynamique du droit, vous pouvez lire cette opinion.

Question: La contribution à l’élargissement de l’UE est-elle nécessaire?

Réponse: Il est dans l’intérêt de la Suisse de réduire les différences économiques au sein du marché intérieur de l’UE, de sorte que les États participants deviennent des marchés cibles attractifs avec un pouvoir d’achat supérieur (exemple de la Pologne). Ce qui est important en lien avec la contribution suisse à la cohésion: elle ne sert à financer que des projets et programmes déterminés dans les pays partenaires et n’est pas versée aux pays concernés ni à l’UE. Il faut savoir que les accords bilatéraux vont bien au-delà d’un accord de libre-échange ordinaire. La pérennisation et le montant de la contribution à la cohésion sont appropriés compte tenu de la grande utilité de l’accès privilégié de la Suisse au marché intérieur européen. Selon des calculs d'economiesuisse réalisés en 2019, la valeur économique des accords d’accès et de participation au marché intérieur avoisine 20 à 30 milliards CHF par an, selon les hypothèses retenues. La contribution de la Suisse à la cohésion représente 1 à 2% de cette somme. Par rapport à la Norvège, qui n’est pas membre de l’UE mais de l’EEE, et qui versera bientôt une contribution destinée à renforcer la cohésion de 450 millions CHF par an pour participer pleinement au marché unique européen, le montant de la contribution suisse (350 millions CHF) est équitable.